Réformer la méthode de calcul DPE d’ici 2025

La commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique rend son verdict. Sans surprise, le DPE est identifié parmi les difficultés principales. « Le bâtiment est malade, mais le thermomètre qu’est le DPE donne une température différente selon le médecin », explique le rapporteur, M. Guillaume Gontard. Pour faire du DPE un outil incontestable, la CE Rénovation énergétique propose notamment de réformer la méthode de calcul d’ici 2025.

Article publié par www.quotidiag.fr

CONTEXTE ET ÉTAT DES LIEUX

Après plusieurs mois d’enquête et 174 personnes auditionnées, le travail de la commission d’enquête s’achève. Il faudra attendre la conférence de presse du mercredi 5 juillet à 16 heures 30 pour accéder au contenu du rapport final. Cependant, son examen au Sénat, le 29 juin, permet déjà de lever en partie le mystère. Le rapporteur rappelle d’abord les 4 types d’enjeux :

  • écologique : trop de passoires thermiques pour atteindre la neutralité carbone en 2050 ;
  • social et sanitaire : 5,6 millions de ménages en précarité énergétique ;
  • urbain, patrimonial et paysager : préserver le caractère propre de nos régions ;
  • économique et industriel : éviter l’importation et créer des filières industrielles.

La CE rénovation dresse un constat mitigé « entre risques de découragement, progrès réels et outils à améliorer ». Le diagnostic de performance énergétique est évidemment l’un de ces outils.

PROPOSITIONS RELATIVES À LA FIABILISATION DU DPE

« Il apparaît assez clairement que le diagnostic de performance énergétique, rendu opposable, est devenu l’instrument central de la politique de rénovation avant même d’être fiabilisé ». Certes, le « scandale du nouveau DPE à l’été 2021 », qui classait trop de logements en passoires thermiques, a été corrigé. Cependant, un même logement peut recevoir une note différente selon le diagnostiqueur. Pour faire du DPE un bon thermomètre, la CE Rénovation énergétique propose :

  • la délivrance, accompagnée de contrôles, d’une carte professionnelle ;
  • une nouvelle réforme du calcul du DPE ;
  • le retour au DPE sur factures pour le bâti ancien d’ici à 2025 au plus tard ;
  • un DPE fiabilisé obligatoire pour toute demande d’aide à la rénovation ;
  • la création du carnet d’information du logement (CIL) à la réalisation du DPE.

La réforme de la méthode de calcul 3CL répond ici à trois objectifs majeurs. Primo, il faut prendre en compte le bâti ancien. Secundo, il est nécessaire de corriger les biais qui pénalisent les petites surfaces. Tertio, il convient d’intégrer le confort d’été à la note du DPE. Ensuite, il sera possible d’abandonner le DPE sur factures pour les bâtiments anciens.

AUTRES ÉCUEILS IDENTIFIÉS PAR LA COMMISSION

Bien sûr, le DPE n’est pas le seul problème. La commission d’enquête en identifie principalement cinq autres :

  • le label RGE : complexe et insuffisamment protecteur ;
  • l’accompagnateur Rénov’ : pratiques frauduleuses redoutées ;
  • les copropriétés : lenteur de la prise de décision et copropriétaires peu solidaires ;
  • le bâti ancien : impensé de la politique de rénovation énergétique ;
  • le pilotage interministériel : clairement insuffisant.

Le domaine de la rénovation énergétique est propice aux escroqueries qui érodent la confiance des Français. Les plaintes déposées sur la plateforme SignalConso le prouvent. Bref, le dispositif d’aides est compliqué et instable, sans pour autant contrer les arnaques. Or les travaux coûtent cher. En réponse, la CE émet des propositions suivant 4 axes principaux.

PREMIER AXE : LA STRATÉGIE

Le premier consiste à mettre en œuvre « une stratégie stabilisée, ambitieuse et solidaire ». Plus concrètement, le but n’est pas seulement de décarboner. Il faut faire disparaître les passoires thermiques et la précarité énergétique. Le rapporteur plaide donc pour la conservation d’un mix énergétique, sans interdire le chauffage au gaz. Ce serait déraisonnable sachant que 40 % des Français et 60 % des logements sociaux sont chauffés au gaz.

Il faut aussi favoriser les rénovations efficaces et globales. Elles doivent donc être plus avantageuses qu’un geste isolé. Cela passe par des aides appropriées pour limiter au maximum le reste à charge du ménage. Pour être stabilisée, cette stratégie doit s’insérer dans une programmation budgétaire. Cette dernière sera jointe à la future loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC) qui sera examinée cet automne.

DEUXIÈME AXE : REDONNER CONFIANCE

Le deuxième axe vise à « redonner confiance dans les outils de la politique de rénovation ». Outre l’évolution du DPE, les sénateurs sont convaincus qu’il faut davantage intégrer les collectivités locales. « Le dispositif Mon Accompagnateur Rénov’ ne doit pas renouveler l’erreur des dispositifs C2E ou de MaPrimeRénov’, entièrement dématérialisés et gérés depuis Paris. »

Il est également indispensable de mieux lutter contre la fraude. La commission préconise, entre autres, l’alourdissement des sanctions pénales et l’augmentation des moyens de la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes). Elle invite aussi à une meilleure communication des résultats des contrôles entre l’Anah (Agence nationale de l’habitat), les CEE (certificats d’économie d’énergie), le RGE (Reconnu Garant de l’Environnement) et la DGCCRF.

TROISIÈME AXE : FINANCER LA RÉNOVATION

Le troisième axe concerne le financement de la rénovation énergétique et le déploiement de ses outils. Pour l’améliorer, les sénateurs et sénatrices souhaitent :

  • porter les crédits de MaPrimeRénov’ à 4,5 milliards d’euros dès 2024 ;
  • tripler les aides à la rénovation globale pour les ménages les plus modestes ;
  • rendre l’audit énergétique et l’accompagnement gratuits pour ces ménages défavorisés ;
  • prendre en charge des travaux d’amélioration du confort d’été et d’auto-rénovation ;
  • déployer plus largement l’Éco-PTZ et le prêt avance rénovation ;
  • harmoniser les conditions d’obtention des aides et être plus transparent.

Concernant les copropriétés, il faut s’appuyer sur un DPE collectif opposable. Ainsi, les interdictions de louer prévues par la loi Climat et Résilience pourront s’appliquer. Le recours dès que possible à la majorité simple semble une voie efficace pour faciliter la décision de contracter les emprunts. Par ailleurs, le tiers financement et les contrats de rénovation énergétique pourraient être expérimentés. Pour les bailleurs sociaux, la CE propose à l’État de débloquer, dès 2024, un soutien de 1,5 milliard d’euros. Un engagement cohérent avec les objectifs de rénovation doit aussi être inscrit dans le pacte de confiance signé avec le mouvement HLM.

QUATRIÈME AXE : STRUCTURER LA FILIÈRE

La filière française de la rénovation n’est pas assez formée ni structurée, d’où ces propositions :

  • Former 200 000 professionnels, de l’ouvrier à l’architecte ;
  • Soutenir les filières industrielles et les filières de matériaux françaises ;
  • Bonifier les aides pour accroître le recours aux matériaux biosourcés ;
  • Développer la filière de la géothermie et les réseaux de chaleur ;
  • Créer une filière de la rénovation énergétique du bâti ancien.

Enfin, « la politique de rénovation énergétique ne doit plus en être à définir ses grands objectifs ou à chercher à convaincre, mais à se mettre pragmatiquement à l’ouvrage, afin de relever le défi et de donner à chacun les moyens de s’engager. »

À lire : Compte rendu du 29/06/2023 (CE Rénovation énergétique).

[Mise à jour du 6 juillet 2022]. Le rapport est désormais public : Rénovation énergétique des logements : relever le défi de l’accélération.

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