Lutte contre les squatteurs, protection des bailleurs ?

Protection des bailleurs

Une proposition de loi, examinée hier, vise à protéger les logements contre l’occupation illicite, c’est-à-dire les squatteurs. Les bailleurs bénéficieraient d’une protection, car l’occupation sans droit ni titre d’un logement serait davantage pénalisée. Mais en cas d’accident résultant d’un défaut d’entretien ou autre défaillance du propriétaire, la responsabilité du bailleur continuerait à être engagée.

Article publié par www.quotidiag.fr

LUTTER CONTRE L’INJUSTICE DES SQUATS ET LES LITIGES DE LOYER

La proposition de loi n°360 a été présentée par Mme Aurore Bergé et d’autres membres du groupe Renaissance. En exposé des motifs, il est rappelé que 64% des propriétaires bailleurs ne possèdent qu’un seul logement en location. Contrairement aux gros bailleurs, ils n’ont généralement pas les moyens de faire protéger leurs logements des squatteurs. Pour lutter contre le squat et les impayés de loyers, les députés REN proposent :

  • Le renforcement des sanctions pour les auteurs de délit de violation de domicile
  • Une définition juridique du squat pour caractériser l’infraction de domicile, y compris vide
  • Un meilleur accompagnement des bailleurs dans les procédures d’impayés de loyers
  • La création d’un délit d’occupation sans droit ni titre en violation d’une décision de justice
  • L’obligation d’intégrer une clause de résiliation dans le contrat de bail
  • La réduction de la durée du délai d’expulsion locative

Certains, surtout parmi les propriétaires bailleurs, vont sans doute s’en réjouir. D’autres, notamment des associations, s’inquiètent déjà de cette atteinte à la protection des droits des locataires. Nous ne participerons pas au débat sur ce projet de loi anti-squat. En revanche, il convient de rappeler qu’en matière d’entretien du bien, la proposition de loi n’exonère en rien la responsabilité du propriétaire.

INDEMNISATION DU SQUATTEUR OU DU LOCATAIRE EN CAS D’ACCIDENT

Par décision de justice, l’ancien locataire aurait dû quitter le logement depuis 2 ans lorsqu’il est tombé de la fenêtre du bien. Cette chute s’expliquait par la rupture du garde-corps, faute d’entretien de la part des bailleurs. Pour ces derniers, si l’occupant n’avait pas squatté le logement, il ne se serait pas blessé.

La Cour de cassation n’était pas du même avis : « l’occupation sans droit ni titre d’un bien immobilier par la victime ne peut constituer une faute de nature à exonérer le propriétaire du bâtiment au titre de sa responsabilité lorsqu’il est établi que l’accident subi par cette dernière résulte du défaut d’entretien de l’immeuble ». (Civ. 2e, 15 septembre 2022, n°19-26.249). Il faut bien sûr qu’il soit responsable de ce mauvais entretien.

Alors certes, l’ex-locataire n’était pas entré par effraction dans le logement. Il refusait simplement de quitter les lieux malgré l’injonction. Cependant, la proposition de loi des députés REN ne fait précisément aucune distinction entre un individu qui s’introduit illégalement dans un logement pour y habiter, et un locataire en situation d’impayé.

LOGEMENT INDÉCENT ET SOLUTIONS DE RELOGEMENT

Et si le logement est indécent ? La personne en situation illégale vient rarement se plaindre que l’habitat est indigne. Pour certaines familles, cela vaut mieux que de dormir dans la rue. Néanmoins, un droit fondamental est reconnu, à tout occupant, de ne pas tomber malade ou être blessé du fait du logement.

Les squatteurs peuvent d’ailleurs, à l’instar des locataires en situation régulière, signaler les situations de non-décence ou d’habitat indigne à l’ARS (Agence régionale de santé). Comme tous les occupants, ils ont droit à la sécurité et à la salubrité. Le fait qu’un logement soit squatté n’empêche donc pas de mettre en œuvre des procédures de péril ou d’insalubrité à l’encontre du propriétaire.

S’il y a un risque d’exposition au plomb ou à l’amiante, d’incendie électrique, etc., l’autorité publique est obligée d’intervenir. Quand les squatteurs empêchent la visite du bien, celle-ci doit être autorisée par le tribunal judiciaire (ex-TGI). En effet, chaque citoyen, propriétaire occupant, squatteur ou locataire, bénéficie de la protection du domicile. Lorsqu’un danger grave menace la sécurité des squatteurs, le maire fait évacuer les lieux.

Bref, le droit à la propriété et le droit au logement entrent fréquemment en contradiction. Ce problème était d’ailleurs partiellement abordé dans l’amendement n°CE21, rejeté ce matin. Les auteurs de délit de violation de domicile ne seraient pas sanctionnés quand aucun logement décent ne leur a été proposé par l’État. Mais entre l’absence de solution de relogement en zones tendues et l’indécence prochaine des biens classés DPE F et G, ce dispositif aurait été difficile à appliquer.

La proposition de loi est actuellement examinée par la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Sans nul doute, les débats sont loin d’être terminés.

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