La révision des modalités de calcul du DPE pour le bâti ancien est urgente, alerte Mme Sabine Drexler. Dans le cadre du PLF 2023, la sénatrice du Haut-Rhin était nommée rapporteure pour avis sur les crédits des patrimoines. Elle invite le ministère de la Culture à agir sur plusieurs fronts. En effet, le patrimoine ne doit pas être un « otage de la transition écologique ».
Article publié par www.quotidiag.fr
UN DPE DRAMATIQUE POUR LE PATRIMOINE BÂTI
Mme Sabine Drexler s’est exprimée au Sénat à propos des crédits « Patrimoines » du projet de loi de finances pour 2023. Selon elle, les modalités du DPE ne tiennent aucunement compte de la valeur patrimoniale des biens. Le même DPE s’applique aux bâtiments construits entre 1948 et le 1er choc pétrolier et aux maisons antérieures à 1948. Les modes de calcul et les préconisations pour améliorer la performance énergétique sont similaires.
Or l’orientation, les matériaux de construction utilisés, l’épaisseur des murs, l’inertie thermique, entre autres, permettent aux maisons anciennes d’être bien isolées. Bref, le niveau de performance énergétique serait acceptable si le calcul du DPE était adapté au bâti ancien. En l’occurrence, ce patrimoine non protégé rentre dans la catégorie des passoires thermiques. Pourtant, « des études montrent que ce bâti est beaucoup moins énergivore que les constructions de la seconde moitié du XXe siècle. »
LOI CLIMAT ET RÉSILIENCE, ZAN ET PATRIMOINE
Cette incapacité à rendre compte des performances réelles du bâti ancien pourrait entraîner sa disparition sous l’effet de deux facteurs. D’une part, le zéro artificialisation nette (ZAN) augmente la pression foncière. Des constructeurs rachètent des maisons inhabitées et dégradées, impossibles à louer, pour les démolir et les remplacer par des constructions neuves.
D’autre part, des professionnels de l’isolation étouffent des architectures remarquables avec des rénovations thermiques inappropriées. En prime, ces travaux sont soutenus par des aides de l’État qui font « pourrir peu à peu les bâtiments de l’intérieur ». La sénatrice du Haut-Rhin estime que 30% du parc de logements est concerné par cette mise à sac du patrimoine. Elle y voit la fin des maisons à pans de bois ou en pierres. Celles-ci contribuent pourtant à l’attractivité touristique régionale.
TRAVAUX DE RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE DANS LE BÂTI ANCIEN
Pour mettre fin à cette « hécatombe », le ministère de la Culture doit se mobiliser et obtenir :
- La révision des modalités de calcul du DPE dans le bâti ancien,
- L’amélioration de la formation des professionnels de la rénovation énergétique,
- L’accompagnement à l’enrichissement des connaissances sur les bâtiments anciens,
- Le soutien de la recherche en faveur de solutions de rénovation adaptées,
- La sensibilisation des propriétaires aux enjeux et modalités d’une rénovation respectueuse.
Un dialogue interministériel régulier doit être mis en place pour atteindre ces objectifs. Mme Drexler propose donc de nommer un référent « patrimoine » au sein du ministère de la Transition écologique. Des « États généraux du patrimoine durable » pourraient aussi être instaurés. Le patrimoine deviendrait alors « l’un des leviers de la sobriété énergétique ».
DIAGNOSTIC PATRIMONIAL AVANT DÉMOLITION
La rapporteure souhaiterait privilégier la réhabilitation, lorsqu’elle est possible, à la démolition suivie d’une reconstruction. Pour cette raison, elle propose de conditionner l’octroi des aides à la démolition à un diagnostic patrimonial préalable. En effet, actuellement, démolir pour reconstruire s’avère moins cher que de réhabiliter.
D’autres aides à la restauration patrimoniale seraient bienvenues dans les centres anciens, en valorisant des éco-matériaux en circuit court. Le label de la Fondation du patrimoine pourrait ainsi inclure un volet spécifique pour les travaux de rénovation énergétique respectueux du bâti ancien.
Dans son rapport, la sénatrice ne mentionne pas les autres difficultés liées à la réhabilitation du patrimoine, comme la présence d’amiante ou de plomb. Nous y reviendrons ultérieurement car la rénovation du bâti ancien soulève différents problèmes complexes.
Consultez l’ Avis n° 120, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, enregistré à la présidence du Sénat.